⊹ i’d slay a dragon for you.

Le son de la télévision joue sous l’assaut du dernier film d’action. Tout bonnement le genre de film qu’apprécie regarder ton frère jumeau. Ce dernier est avachit sur le canapé du salon, les pieds sur la table basse à manger une coupelle de glace, le saladier de popcorn reposant sur ses genoux. Bien que vous soyez tous deux jumeaux, et que vous soyez bien différents l’un de l’autre vous parveniez à conserver cette complicité sans nom qui vous unit. Un lien fraternel aussi solide qu’un roc comportement des hauts et des bas ce qui a toujours su vous rapprochez, un peu à l’image du divorce de vos parents. Voilà désormais près de treize ans que vous viviez sur l’ile de Saint Vasco avec votre père et depuis les nouvelles de votre mère ne se faisaient que très rares. « Tu vas devoir bientôt changer Criquet, il y a pas moyens que je passe mon jour de congé sans regarder un ou deux épisodes des tortues ninjas ! ». Déclares-tu avec un sourire sérieux et amusé à la fois. Tu avais beau être rationnelle et assidue, tu possédais encore une grand part d’enfant en toi et cette série aussi vieille que la veille te suivait depuis ton enfance. Il passe une main dans sa tignasse brune en bataille, avant de soupirer d’un air résigné. « Ouais, ouais je sais … Attend au moins une seconde que Magneto lance son attaque ! ». Simon avait toujours les yeux rivaient sur l’écran, comme s’il était concentré devant son ordinateur. Tu esquisses un sourire amusé avant de te laisser tomber aux cotés de ton frère, un bol contenant des morceaux de sucres dans la main. « Ce type est tout ce qu’il y a de plus weird … Tiens au fait j’ai remarqué qu’un client de l’hôtel te tournait autour … ». La voix de ton frère résonne dans ta tête alors que tu prends soin de changer de chaine pour laisser finalement le générique des tortues ninjas retentir. Tu connais les paroles par cœur, que malgré toi tu finis par les fredonner. « Louison, je te parle ?! ». Son exclamation te sort de sa songerie personnelle. Tu hausses les épaules avant de répondre. « Quoi tu parles de Dorian ? Je t’avoue qu’il n’était pas franchement sympathique au début mais tu te fais une fausse idée sur lui. Je suis certaine que vous pourriez vous entendre ! ». Tu glisses un carré de sucre dans ta bouche, avant de te laisser aller contre le dossier du canapé. Ton attention est pleinement consacrée au film, bien que tu sentes le regard de ton jumeau posé sur toi comme une réprimande tenue. Des deux, Simon était le plus démonstratifs de ses émotions mais aussi de la protection qu’il pouvait manifester à ton égard. Sa position d’ainé – de quelques minutes –, il y tenait et cela ne te dérangeait aucunement. « Même pas en rêve, ce type est louche, il ne m’inspire aucune confiance. Tu devrais te méfier … ». Grimaçant légèrement à l’entente de ces paroles prononcées, tu tournes légèrement la tête vers lui. « On est pas dans un film de fiction Criquet ! ». Répliques-tu tout en ne pouvant réprimer un rire moqueur. « Tiens donne plutôt un peu de ta glace au lieu de psychoter pour rien. ». Il te tend alors sa coupelle de glace à la noix de coco, et comme d’habitude il n’a pas lésiné sur le coulis aux fruits rouges. Simon croise les bras sur son tourne, désormais de nouveau concentré sur l’épisode des reptiles verts. « N’empêche … Vois le comme Shredder tient. ». Tu le considères d’un air ironiquement moqueur avant d’éclater de rire qui finit par l’emporter avec toi. Décidément on vous ne changerez pas tous les deux.

La porte destinée à la salle du personnel ne cesse de s’ouvrir et de refermer. Signe avant-coureur que la pose de midi a sonnée depuis quelques minutes déjà. Doté d’une brassière de sport en guise de haut, tu enfiles rapidement ton t-shirt à l’effigie du dernier rassemblement de militants auquel tu avis assisté le mois dernier non loin de Perpignan. Tout en rangeant tes affaires dans ton sac, tu jettes une brève œillade à ton cellulaire pour voir Peter t’avait laissé un message. Peter était ton correspondant américain depuis près de sept années. Vous vous étiez connus lors d’un échange scolaire à l’époque et depuis vous aviez maintenus le lien. En dépit de ses trois années de plus que toi, l’amitié entre vous semblait avoir outrepassé les frontières de la langue mais aussi la distance de vos deux pays. Aujourd’hui il venait s’installer quelques temps à Saint Vasco où il poursuivrait ses études, bien que tu ne savais pas réellement le but de sa visite hormis qu’il avait besoin de voir du pays. « Cela fait au moins une bonne vingtaine de fois que tu regardes ton téléphone Lou, tu devrais sérieusement penser à décrocher tu sais … Il arrivera dans de bonnes conditions. ». Déclare Maggie avec un sourire amusé aux commissures de ses lèvres. Tu lèves les yeux au ciel en voyant bien qu’elle se fiche légèrement de toi mais venant d’elle ne prend jamais cela mal, après tout ce n’était pas ta meilleure amie pour rien. D’où le fait qu’elle ne supportait pas la mauvaise humeur de ton caractère facétieux. « Qui te dit que je regarde mes messages et non l’heure ? ». Dis-tu en haussant les épaules d’un air innocent alors que tu fermes la fermeture de ton sac. « … Parce que sinon tu te serais rendue compte qu’il est plus de midi trente et que son avion arrive dans moins d’un quart d’heure. ». Ta camarade pose ses mains sur ses hanches comme te reprocher ton manque de ponctuation. Tu avais toujours été ponctuelle hormis pour ton travail et les cours, les choses importantes passaient comme à la trappe comme à l’image d’une mémoire de poisson rouge. Ton regard ne fait qu’un aller/retour entre l’heure qu’affichait ta montre et la porte du vestiaire du personnel. Un soupire t’échappe puis tu files en promettant à Maggie de la contacter un peu plus tard. Une fois sur la route à bord de la deuxième main de ton père, tu te mets ressentir l’euphorie de revoir ton plus vieil ami. Il devait avoir changé depuis le temps. Bien que vous correspondiez via la nouvelle technologie, les rencontres en chair et en os avaient consolidées votre lien. Un lien que tu espérais assez solide afin de le perpétuez dans le temps. Après quelques kilomètres et minutes plus tard, tu pénètres dans l’aéroport à la recherche du visage de Peter. Seulement il semblerait que seules tes dix minutes de retard soient témoin de ton manque de chance. Le souffle quelque peu court à mesure de t’être précipité, tu continues de balayer le hall de réception de l’aéroport, marmonnant pour  toi-même tes éternels ronchonnements. Dès lors sans prévenir, deux mains se posent doucement sur tes yeux. Tu esquisses un sourire, reconnaissant derechef la voix de ton ami. «  Toujours aussi impatiente que tu peux être retardataire à ce que je vois. ». Il ricane comme si son rire t’était toujours aussi familier. Son accent américain est bien présent lui aussi, lui donnant au passage un charme que tu réalises pour la première fois. Il retire ses mains pour que tu puisses lui faire face et c’est naturellement que vous vous serrez dans les bras l’un de l’autre. L’excitation de leur revoir s’est envolé au profit d’une grande joie, un sentiment que tu n’as pas éprouvé depuis longtemps. « Bein oui tu vois on ne change pas les vieilles habitudes. ». Un sourire emplit de malice se dessine sur tes traits alors qu’il caresse ton dos tout en toisant d’une œillade brève et mystérieuse à la fois. « Je suis contente de te voir, tu as l’air en forme ! Allez viens je t’emmène à la maison, j’en connais certains qui son impatient de te voir ! ».  (...) « Alors comme ça tu viens de décrocher un poste de kiné à l’hôpital ? ». S’étonne ton frère face à la nouvelle que venait d’annoncer Peter. Connaissant ce dernier, cela ne te surpris guère. Le brun avait toujours eu tendance à avoir les pieds bien encrés sur terre, il était sérieux dans ses ambitions. Le concerné hoche la tête en portant sa bière à ses lèvres tout en passant un bras sur le dossier du banc où tu étais également assise en tailleur. « En tant qu’assistant plutôt, le temps que je termine mon année pour obtenir mon diplôme, ensuite j’aviserai mais pour le moment c’est pas mal. ». Réplique-t-il d’une voix posée tout en désignant ton jumeau d’un signe de tête. « Tu as quelque chose de prévu on dirait ? ». Simon ne peut s’empêcher d’user de son rire inquisiteur et charmeur, seulement les techniques de dragues n’ont jamais été son fort. « J’ai une sortie de prévue ouais, mais je ne vous propose pas c’est pas du tout votre genre ! ». Tu soupires un sourire moqueur tout en secouant la tête d’un air péjoratif, déclenchant bien évidement le rire des deux garçons. Ton frangin vous salue d’un signe de la main avant de déambuler les cinq marches du perron en direction de ta voiture, puis de disparaitre dans la nuit déjà bien avancée. Un léger silence s’impose, le genre de silence qui se veut reposant et apaisement ton esprit quelque peu attisé par tout un amas d’interrogations. Le bras de Peter se referme avec douceur sur ton épaule, sa main caressant tes cheveux. « Tu avais déjà tout prévu en quelques mois pour venir ici, ça ne m’étonne pas de toi. ». Ton assertion valorise ses choix et ses prises de décisions. Peter était un excellent élément dans le domaine de la kinésithérapie et le peu qu’il t’en avait confié tu sais combien ce domaine professionnel sera pour lui une réussite. Il apporterait un petit quelque chose en plus à la clinique de l’ile. Une légère brise d’été s’élève te faisait légèrement frissonner, tu te blottis un peu plus contre lui. « Je suis venu ici pour prendre un nouveau départ, l’entente avec mes parents n’était plus réellement possible et puis j’ai un projet personnel en venant ici. ». Sa voix de velours semble prendre parti à la fatigue qui t’habite, puis doucement mais certainement tes paupières se ferment pour être définitivement closes. Voyant que tu ne lui réponds pas au bout de quelques minutes, il détourne le visage en ta direction, un sourire bienveillant sur les lèvres. Il ressert tendrement son étreinte autour de tes épaules avant de déposer un baiser sur le sommet de ton front. « … Et le pire c’est que tu ne me rends pas la tâche facile … ». Murmure-t-il en riant d’un mystère qui n’est pour toi qu’un écho en plein songe de sommeil.